Jean-Paul SARTRE. [D'une Chine à l'autre.... - Lot 185 - Leducq Maison de ventes aux enchères

Lot 185
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Jean-Paul SARTRE. [D'une Chine à l'autre.... - Lot 185 - Leducq Maison de ventes aux enchères
Jean-Paul SARTRE. [D'une Chine à l'autre. Préface]. Sans date [1954]. Manuscrit autographe de 20 pages ½, sur 22 feuillets de papier quadrillé, avec quelques biffures et corrections (pagination d'une autre main ainsi que les références des photos commentées indiquées en bas de certaines pages). Préface destinée au reportage photographique de Henri Cartier-Bresson, publié par les Éditions Delpire en 1954, sous le titre D'une Chine à l'autre, et réalisé au moment des premières semaines du régime communiste en Chine. Composé en trois parties, le texte évoque tout d'abord les lieux communs qui abondent sur la Chine et les Chinois, entre oeufs pourris, musique discordante et supplices ingénieux. Sartre reconnaît que, comme tant d'autres, il a été victime de ce pittoresque, avant la lecture d'Un Barbare en Asie d'Henri Michaux (1933) : Puis vint Michaux qui, le premier, montra le Chinois sans âme ni carapace, la Chine sans lotus ni Loti. Un quart de siècle plus tard, l'album de Cartier-Bresson achève la démystification. […] Les photos de Cartier-Bresson ne bavardent jamais. Elles ne sont pas des idées : elles nous en donnent. Décrivant quelques photographies de l'ouvrage, Sartre souligne leur universalité : Les images rapprochent les hommes quand elles sont matérialistes, c'est-à-dire quand elles commencent par le commencement. Par les corps, par les besoins, par le travail. Au diable les oeufs pourris et les ailerons de requin. Vous dites que ce sont des nourritures exotiques puisque près de 40 millions de Français en ignorent le goût. Alors ces nourritures sont encore plus exotiques en Chine puisque quatre cent millions de Chinois ou presque n'en ont jamais mangé. Quatre cent millions de Chinois qui ont faim comme les journaliers italiens qui s'épuisent au travail, comme les paysans français, qui sont exploités par la famille Tchang Kaï Shek, comme les trois quarts des occidentaux par les grands féodaux du capitalisme. Après cela, bien sûr, nous ne parlons pas leur langue. Et nous n'avons pas leurs moeurs. Mais il sera toujours temps de parler des différences. Ce qui sépare doit s'apprendre, ce qui rejoint se voit en un clin d'oeil. Cet homme qui vient vers vous, vous devez savoir sur l'heure si vous verrez en lui d'abord un Allemand, un Chinois, un juif ou d'abord un homme. Et pour décider de ce que vous êtes, en décidant de ce qu'il est. Faites de ce coolie une sauterelle chinoise, vous deviendrez dans l'instant une grenouille française […] Les instantanés de Cartier-Bresson attrapent l'homme à toute vitesse sans lui laisser le temps d'être superficiel. Au centième de seconde, nous sommes tous les mêmes, tous au coeur de notre condition humaine ». Et, toujours en citant certaines prises de vues, Sartre qualifie l'album de Cartier-Bresson de faire-part : Il annonce la fin du tourisme, il nous apprend avec ménagement, sans pathétique inutile que la misère a perdu son pittoresque et ne le retrouvera plus jamais. Elle est là, pourtant insupportable et discrète à toutes les pages. Elle se manifeste par trois opérations élémentaires : porter, fouiller, marauder. Enfin, dans la dernière partie de cette préface, est évoquée la victoire des troupes communistes à laquelle Cartier-Bresson a assisté, en photographiant de jeunes soldats comme perdus dans Shangaï. La guerre est finie, il faut gagner la paix. Les photos rendent à merveille la solitude et l'angoisse de ces paysans au coeur d'une ville superbe et pourrie. Derrière leurs persiennes, les Messieurs reprennent courage 'Nous les mènerons par le bout du nez'. Il n'a pas fallu très longtemps pour que les Messieurs changent d'avis, mais c'est une autre histoire et Cartier-Bresson ne nous la raconte pas. Remercions-le d'avoir su nous montrer la plus humaine des victoires, la seule qu'on puisse, sans aucune réserve, aimer ». En novembre 1948, Henri Cartier-Bresson avait reçu une commande du magazine Life pour un reportage sur les "derniers jours de Pékin" avant l'arrivée des troupes maoïstes. Arrivé pour une quinzaine de jours, il resta en Chine dix mois, assistant à la chute de la ville de Nankin, contraint de rester à Shanghai sous contrôle communiste et quittant le pays, quelques jours seulement avant la proclamation de la République populaire de Chine le 1er octobre 1949. L'histoire de cette préface de Sartre a été relatée par Pierre Assouline, dans Cartier-Bresson, l'oeil du siècle (Plon, 1999) : "Neuf ans après avoir pris son fameux portrait sur le pont des Arts, Cartier-Bresson se rend chez Sartre, la bouche en coeur, pour lui demander de préfacer son prochain album. 'Mais je ne suis jamais allé en Chine !' lui répond aussitôt le philosophe. Le photographe, qui ne se laisse pas démonter pour si peu, lui répond ce qui lui passe par la tête. 'Et alors ? Les prêtres ne sont pas mariés, pourtant ils en savent long sur les femmes. - Dans ce cas… '. C'est
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